Reportage chez Aubry-Cadoret, l’un des derniers orfèvres parisiens
Paris, XIème arrondissement. Tout comme les ébénistes se concentrent autour du Faubourg-St-Honoré, les derniers orfèvres fabricants de la capitale sont installés dans un périmètre allant du boulevard des Filles-du-Calvaire au boulevard Richard-Lenoir. Là, dans une jolie impasse, une boutique scintillante jouxtant un atelier à l’ancienne attire le regard. Nous sommes chez Aubry-Cadoret, entreprise familiale fondée en 1890.
Côté atelier...
Avec un peu de chance, vous verrez en passant la tête dans l'atelier, un artisan en train de repousser le laiton sur une forme en bois. Utilisées depuis parfois plusieurs dizaines d'années, elles sont la mémoire de l'entreprise. Les formes sont à l'orfèvre ce que le moule est au porcelainier. Leur fabrication est confiée à un ébéniste. Les objets en métal argenté sont d'abord créés en laiton (ou cuivre) avant d'être polis puis argentés. Délicatesse, dextérité et précision sont nécessaires à toutes les étapes de la fabrication d'un objet, mais l'étape du repoussage qui marque la naissance d'un objet est essentielle.
A côté de l'atelier de repoussage se trouvent les ateliers de polissage et de soudure. Il faut savoir que Gustave Aubry, le fondateur de cette maison, est l’inventeur de la soudure brasée qui permet à l’argent de résister à des températures beaucoup plus importantes que l’étain. Ce fut une révolution dans le monde de l'orfèvrerie, car les plats devinrent enfin résistants au feu.
Enfin, cette maison, auquelle sa clientèle reste très fidèle, ne risque pas de vous laisser tomber avec un plat cabossé suite à une mauvaise chute, aussi ancien soit-il. Les mains expérimentées de l'atelier de réparation, qui ont vu tous les modèles et connu toutes les situations, vous rendront rapidement votre bien en parfait état. Des modèles produits par d'autres fabriquants ou artisans peuvent y être réparés.
Côté boutique…
Accueillante et lumineuse, la boutique vous permettra d'admirer la qualité irréprochable des produits et de trouver votre bonheur. A côté des traditionnels cadeaux de naissance, on trouve à la fois une argenterie travaillée précieusement à l’ancienne, et adaptée à la vie quotidienne. Ici, et même si c’est très joli, on ne vend pas des objets d’art à exposer et à épousseter. Les plats et les couverts sont faits pour cuisiner dedans et manger avec. Vous trouverez des plats sublimes qui vont au four, avec les lasagnes, le gratin de courgettes ou le soufflé au fromage. Et sur la table, les ménagères de tous styles ne sortent pas que le dimanche et passent au lave-vaisselle. Certes, ce savoir-faire a un coût, mais Aubry-Cadoret reste un orfèvre accessible, en pratiquant un prix « fabricant » et non pas revendeur.
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L’argenterie demande-t-elle toujours beaucoup d’entretien ?
L’entretien de votre argenterie, c’est avant tout l’affaire de votre lave-vaisselle. Bien sûr il y a plus original. Il suffit d’aller faire un tour sur le net pour découvrir les vertus de la feuille aluminium, du gros sel, du bicarbonate, de l’eau de cuisson des épinards et même du Coca-Cola… Mais sincèrement, au quotidien, le lave vaisselle, il n’y a pas mieux.
Il paraît que couper avec un couteau en argent laisse un goût sur la viande…
C’est possible. Mais essayez plutôt de couper avec la lame et pas avec le manche ! C’est lui qui est en argent. La lame, elle, est en acier…
Bon d’accord, mais ce n’est pas un peu fragile quand même ?
Si vous passez votre service à thé à la presse hydraulique, vous risquez effectivement d’en faire une poêle à paella. Mais pour le reste, sachez qu’en condition normale d’utilisation, l’espérance de vie de votre argenterie est de plusieurs siècles. Et puis si par malheur votre théière en prend un coup sur la carafe il suffit simplement de la débosseler en atelier.
Je ne peux quand même pas cuisiner dans des plats en argent ?
Si, si. Il existe des plats en argent qui sont aussi des plats de cuisson. Ils ne fondent pas. Ne laissent pas de goût. Et plus besoin de vous brûler ou de vous tâcher lorsque vous déversez le contenu de la cocotte dans votre joli plat de service puisque c’est justement lui que vous servez à table. Pratique.
N'est-ce pas trop beau pour s’en servir tous les jours ?
L’argenterie c’est bien en grande cuisine, ça fait passer le surgelé, et cela donne à vos plateaux télé un petit air très classe. Alors, utilisez-la. Elle a été conçue pour un usage quotidien. Pas pour encombrer le haut de l’armoire. Et puis, c’est quand elle n'est pas utilisée que l'argenterie s'abîme le plus. Les catalogues des grandes maisons vous l’écrivent en ces termes : « loin d'altérer sa beauté, une utilisation quotidienne contribue au contraire à lui donner cette douce patine inimitable du vieil argent ». Plus prosaïquement on pourrait dire que l’argenterie c’est un peu comme la robinetterie. Moins on l’utilise et plus les joints sèchent.
J’ai déjà perdu deux petites cuillères sur six. Alors quand on est plus de quatre à table je n’ose plus les sortir...
Il suffit de les racheter. Et si votre modèle est introuvable, dépareillez ! De la même façon, vous n’êtes pas obligés de sortir avec l’argenterie, les verres en cristal, la porcelaine, la nappe brodée et le repose couteau en ivoire. Mariez les matières, les genres, osez le verre-pot de moutarde, le plastique… Bref, inventez votre style.
Que faire quand l’argenterie noircit ?
Oui, bon c’est sûr, pour l’inoxydable, voyez plutôt le rayon inox. L’argent, lui, s’oxyde. Mais pas tant que cela. Tout d’abord vous pouvez le protéger puisqu’il existe des coffrets de rangement hyper pratiques qui sont en feutrine anti-oxydante. Et pour conserver l’éclat du neuf, frottez simplement vos couverts trois fois par an avec un de ces petits chiffons miracle vendus dans le commerce. Temps moyen pour les fourchettes : 6 secondes la pièce, soit 36 secondes les six. Tout compris, couteaux, cuillères à soupe et petites cuillères, c’est l’affaire de trois minutes.
Quand même, c’est un peu cher…
Dans les premiers prix, pour une ménagère en argent, il faudra compter un peu plus que pour un beau service en inox. En orfèvrerie tout est fait à la main. Et avant d’arriver sur votre table, une théière va passer successivement du repousseur au polisseur, de l’orfèvre à l’argenteur, de l’aviveur au fondeur. En tout, six artisans hautement qualifiés vont travailler la forme, l’équilibre, la beauté, la noblesse de votre pièce. Cela fait beaucoup de monde pour un thé. Mais c’est aussi cela qui confère à votre théière un cachet unique.
Aubry-Cadoret
15 passage Sainte-Anne de Popincourt
75011 Paris
01 47 01 17 22
http://www.aubry-cadoret.com/
e-mail : contact@aubry-cadoret.com